04 juillet 2008

Au 41, erzsebet Körut, Em.III/5


Nous étions 3 à vivre comme ça, y avait Fra’, Ermanno et moi
Nous étions 3 c’était l’bon temps, à vivre comme ça au gré du vent

Fra c’était l’lover italien qui tombait amoureux tout l’temps ;
Erma et moi on riait bien, parce qu’il concluait pas souvent.

Fra voulait toujours mon avis, sur sa « target » potentielle
Savoir si j’la trouvais jolie, s’il avait mon aval pour elle
Parfois la nuit, un peu paumé, il venait m’parler de ses histoires
De ses rencontres, ses déceptions, ses questions et puis ses espoirs.

Nous étions trois à vivre comme ça, y avait Fra, Ermanno et moi
Des budapestois dans le vent, nous étions 3 c’était l’bon temps

Ermanno c’était le cuisto qui sifflotait en préparant
Son diner sans fruit comprenez, l’en avait peur, c’était marrant.
Séchant souvent l’cours du jeudi, parce qu’il trainait toujours au lit
C’est moi qui devais aller signer la feuille de présence pour lui

Au mois de juin il faisait si chaud, pas d’courant d’air à la maison
Francesco tombait la chemise, Ermanno ôtait l’pantalon
Ambiance playa à la coloc, moi j’me baladais en maillot
En mode exhib’, sacré trio, il manquait plus qu’le sable et l’eau.

Nous étions 3 à vivre comme ça, y avait Fra, Ermanno et moi
2 italiens et une française, mode fraternel, jamais d’malaise

A force de les entendre parler en italien à la maison
Peu à peu je les comprenais, intégralement, sans traduction
Et ils en étaient fiers ces gars, ils disaient à tous leurs copains
Arrêtez d’lui parler anglais, maintenant ça n’sert plus à rien

Ils prêchaient que j’étais romaine, comme si je m’étais convertie
Mais rassurez vous tout de même, jamais j’laisserai tomber Paris
Quand leurs potes me tournaient autour, ils rappliquaient à 100 à l’heure
Et écartaient tous ces vautours en assénant « touche pas ma sœur ! »

Nous étions 3 à vivre comme ça, y avait Fra, Ermanno et moi
Chantant, dansant, s’marrant, buvant à la santé d’autres étudiants

On en a écumé des bars, jusqu’au p’tit matin c’était magique
On r’faisait l’monde jusqu’à très tard, le lendemain, c’était tragique
La gueule de bois on évitait, on était devenu des pros
Un verre de flotte avant l’coucher, et au réveil une pinte de Kro

J’avais droit aux noms les plus doux, quand il fallait chercher des trucs
"can you buy toilet paper, my sweet, my love, honey, mon sucre"
Quand je me lançais dans le ménage, Francesco me stoppait souvent
On participe au nettoyage, toi tu relax et pose les gants

Et puis un jour on est parti, chacun gardant son horizon.
Tous nos fantômes se sont enfuient laissant en deuil notre maison.
Ils ont regagné l’Italie, moi je suis r’tournée à Paname
Nos cœurs remplis de la Hongrie, de nostalgie, la mort dans l’âme.

Nous étions trois à vivre comme ça, mes frères Fra, Ermanno, et moi
Nous étions 3 c’était l’bon temps, à vivre comme ça au gré du vent…

Lock the Heaven's door

Je me souviens parfaitement du jour de notre installation à l’appart. C’était un dimanche, j’étais très exactement depuis une semaine à Budapest. Aurore venait de partir, j’étais seule. J’avais quitté l’auberge de jeunesse le matin et j’allais poser mes affaires dans mon nouveau chez moi. Ermanno et Francesco n’étaient pas encore là, ils ne viendraient que le soir.
J’avais eu beaucoup de mal à ouvrir la porte. Il fallait vaincre le mécanisme de 2 serrures dont une vieille, pas très visible, dans laquelle il fallait mettre la clé du bon côté (et repérer le bon côté n’était pas évident au départ) et ne pas trop l’enfoncer ; bref, bien doser pour pouvoir opérer les 2 tours de clés qui déverrouillent. Puis pousser énergiquement la poignée vers le bas et ouvrir la porte avec l’épaule en murmurant dans l’effort "sésame ouvre toi". Un exercice que j’ai dû répéter pas mal de fois avant de maîtriser.
Un jour, la poignée est restée dans la main de Francesco alors qu’il essayait d’ouvrir de l’intérieur. On s’est donc retrouvé coincé dans l’appart.
Quelques jours plus tard, on nous installait une nouvelle poignée et une serrure (une troisième qu’on n’utilisa jamais).
Tout ça pour dire qu’aujourd’hui, sur le point de quitter l’appart, vide de mes colocs, définitivement, j’ai pour la première fois du mal à opérer les tours de clé nécessaires à fermer la porte.